Benjamin C. naît en 1942. Le journal de Mathilde, sa mère, s’ouvre sur le récit de son accouchement. Édouard, son père, trafique avec les Allemands. Il s’engage bientôt dans la Waffen-SS et disparaît en direction du front russe en 1944.
Jean, l’ami d’Edouard, a choisi le parti de la Résistance. Parce que la Libération est là, Mathilde pressent que son cas est douteux. Pour se blanchir, elle s’offre à Jean. C’est le début d’un grand amour, mais l’ombre d’Edouard reparaît subrepticement. Il appelle sa femme au secours. Elle conseille à Edouard de rentrer en France. Jean, chargé de hautes fonctions désormais, le protégera.
Edouard y croit et revient. Il est emprisonné, jugé et condamné à mort. Son recours en grâce est rejeté malgré les prétendus efforts de Jean. Il est fusillé.
Édouard a été gommé de l’histoire. Ni son nom, ni son souvenir ne sont jamais évoqués. Une manière d’innocence pour l’enfant Benjamin qui peut fantasmer et se fabriquer un père sur mesure, un super Papa super Héros de la Résistance.
Autour de l’enfant, pourtant, le cadavre du père travaille implacablement les têtes. Benjamin n’est pas totalement dupe. Il flaire l’énigme sous le silence têtu. Et un jour, lassé d’attendre des confidences qui ne viennent pas, l’enfant perce l’abcès en dérobant le journal de sa mère.
Benjamin sait. Cependant, il feint l’indifférence. Deux ans plus tard, sa mère meurt d’un cancer, le laissant seul avec son beau-père. Rupture. Nouveau document. Nouvelle vision. C’est maintenant Jean, le beau-père, qui répond aux questions de Bernard-Henri Lévy. « Benjamin ? Un délinquant, un criminel en puissance, un militant d’extrême-gauche qui ne dédaigne pas pour autant le luxe et les femmes, un Don Juan qui lance ses défis au nom de la Révolution algérienne. » Toutefois, à travers ce portrait, apparaît en filigrane un autre Benjamin : un homme qui se forme et qui en même temps se cloisonne, en se distribuant en plusieurs personnalités, comme s’il opposait à chaque agression que le réel lui inflige un visage particulier.
Désormais nous sommes confrontés à la version de Marie, une jeune juive provinciale « montée » à Paris pour ses études, une naïve qui tombe éperdue de Benjamin, et rapporte dans des lettres à sa sœur jumelle le cheminement de leur liaison. C’est la fin des années 60. Benjamin participe à la révolution soixante-huitarde. Mais, si les idéaux fleurissent, ils ne s’évanouissent pas moins. Désillusion, désespoir. Cependant la machine est lancée. Benjamin quitte Paris. Officiellement à la recherche de la sagesse, en réalité il fait ses classes de terroriste. On doit l’information à un certain Alain Paradis, un avocat parisien, ami intime du héros.
Nouveau témoignage, nouvelle vision de Benjamin, en fedayin à Beyrouth, puis en deuxième classe des Brigades rouges à Rome. Paradis est partagé entre la commisération et le mépris. Son protégé ressemble à une pâte molle, minable, prisonnier d’un système qui le dépasse, n’imaginant rien de mieux que l’assassinat de Jean, son beau-père, pour haut fait d’armes révolutionnaire. Un meurtre libérateur, qu’il ne parviendra pas à perpétrer : il flanche au moment d’appuyer sur la gâchette. Mais l’affaire compte malgré tout un cadavre : celui d’un policier.
Benjamin est traqué. L’auteur le retrouve à Jérusalem. Il recueille sa confession écrite : son prélude au suicide. Ce que nous avons appris sur lui n’était qu’un énorme mensonge, alimenté par chacun des témoins. La vérité, Benjamin l’apprendra au lecteur : c'est la recherche d'une rédemption.